Cynophilie
Anciens articles de Bouledogues Français : de la Montparrière
Pour ce second article, j’ai chois d’interroger Charles Gautier, qui a élevé avec brio, pendant de nombreuses années, des Bouledogues Français. Je me suis donc permis de lui téléphoner et nous avons eu des conversations qui ont donné lieu à un échange tout à fait passionnant. J’ai découvert un vrai amateur de la race évidemment, mais aussi, un cynophile averti et compétent, capable de parler du chien avec verve et talent pendant de longs moments. J’ai aussi fait la connaissance d’un monsieur qui a mené une vie tout à fait incroyable qui l’a emmené de la Vendée pendant la seconde guerre mondiale à la région de Chartres en passant par les terrasses de café de Saint-Germain-des-Prés à une époque que nous appellerions aujourd’hui «l’âge d’or» et la vie à Montmartre. Quelques années plus tard, la passion est devenue élevage avec la création de l’affixe «de la Montparrière». Je suis particulièrement heureux d’avoir pu interroger ce conteur-né qui m’a passionné. Allons avec Charles à la découverte du Bouledogue de cette époque et suivons-le sur les traces de sa passion.
Pourquoi vous êtes-vous passionné pour le Bouledogue Français plutôt que pour une autre race ?
La réponse me vient naturellement : c’est un personnage ! Un caractère différent, unique. Un chien qui ne peut pas laisser indifférent.
Comment et quand avez-vous découvert le Bouledogue ?
En 1943, j’avais vingt ans et je vivais en Vendée. J’avais toujours aimé les animaux. Je crois que c’est une passion qui remonte à l’enfance. J’avais vu une annonce stipulant qu’un petit Bouledogue abandonné était à vendre et qu’il fallait à l’Hôtel de l’Europe. Arrivé là, bien décidé à acheter cette petite chienne que j’appellerai Queen, j’appris qu’elle s’était sauvée et qu’il fallait la rechercher. Elle fut retrouvée à la sortie de la Roche sur Yon et j’ai pu l’acheter enfin quelques jours plus tard. Je l’emmenais partout même dans un panier lorsque j’étais à vélo. Je me souviens d’une collègue de travail qui, lorsqu’elle l’avait vue pour la première fois l’avait trouvée positivement horrible.
Queen et Charles à Jard sur Mer 1944
Si je comprends bien, Queen vous accompagnait quotidiennement. Était-ce facile d’avoir un chien toujours avec soi en cette période ?
Oh oui car assez rapidement ma vie changea. Je décidai après la guerre, de partir vivre à Paris. Me voilà donc dans le train, flanqué de Queen, direction la gare Montparnasse. Je ne savais pas du tout ce que j’allais trouver dans la capitale car, hormis quelques amis que je voulais voir, je n’avais pas de projet précis. A mon arrivée, j’ai élu domicile dans un hôtel de Montparnasse. Je me souviens avoir débarqué à Paris le 26 août 1946. À peine arrivé, je fus invité par un ami à aller boire un verre à Saint-Germain-des-Prés, au désormais mythique Café de Flore. Evidemment, Queen, toujours prête, m’accompagnait. Je tombais amoureux de ce quartier où je fis la connaissance de tout le microcosme qui le fréquentait. Je m’installai à Montmartre dans un appartement qui appartenait à un ami de mon père mais continuais à passer mes journées à Saint-Germain où je fis la connaissance de Francis Carco avec qui je me liais d’amitié. Queen et le caniche de mon nouveau camarade devinrent très connus dans le quartier. La vie dans le sixième arrondissement de Paris peut sembler aujourd’hui comme une gigantesque carte postale où ma chienne aurait tenu une bonne place. Malheureusement, je la perdis en 1949. Elle était encore jeune. J’étais très attachée à ma première chienne d’adulte.
Queen aux Sables d'Olonne en 1945
Votre passion du Bouledogue ne s’est pas arrêtée là. Que s’est-il passé ?
Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai eu un autre Bouledogue. À l’époque, j’avais ouvert un bar, «le Charlie», entre Dreux et Chartres. Ma clientèle se composait surtout de militaires américains qui était stationnés dans la région. A cette époque, pour me protéger d’éventuelles agressions, j’ai eu plusieurs Bergers Allemands formidables. Un jour, en 1958, je pense, j’aperçus deux enfants qui traînaient derrière eux deux petits Bouledogues et ma passion redémarra en trombe ! Quelques temps plus tard, une amie m’appris qu’une loterie était organisée sur l’une des bases américaines et qu’un petit chien qui s’est avéré être un Boston Terrier était à gagner. Je décidai alors de proposer au gagnant qui ne savait que faire de ce lot de lui racheter le chien. Il avait pour nom Joseph et je l’ai offert à mon ami de l’époque. Il devint une véritable mascotte comme l’avait été Queen en son temps et la ressemblance avec le Bouledogue me donna envie d’en avoir un autre.
Négine dite Nitouche 1964
C’est ainsi qu’est né votre envie d’élever ?
Pas tout de suite. Quelques années plus tard, j’ai avisé une annonce dans France Soir. Des petits chiots Bouledogues étaient à vendre en région parisienne, dans les Hautes-Seines, au Plessis-Robinson. Je décidai d’aller en acquérir un et, me rendis dans cette commune que je ne connaissais pas. L’adresse mentionnée par l’annonce était en fait une boucherie, lorsqu’on connait l’histoire du Bouledogue Français, on se dit qu’il n’y a pas de hasard. De toute la portée, une chienne appelée Négine se détachait nettement. Même si, à cette époque, je ne connaissais pas vraiment le standard, je me rendis compte très vite qu’elle était plus jolie que ses frères et soeurs. Je décidais donc de l’acheter et la débaptisais pour la renommer Nitouche. C’est avec elle que j’ai fait mes premières expositions. Lors de l’une d’entre-elles, porte de Versailles, je fis la connaissance de la Comtesse Mochtonov de Mévesse qui, la première, me confirma que ma chienne était très jolie et qu’elle pouvait gagner des concours. Elle avait une petite chienne qui ressemblait énormément à la mienne. À cette exposition, Monsieur Lecomte, alors président du club de race et éleveur lui-même, remarqua Nitouche et me proposa l’un de ses mâles pour faire une portée. Je me rendis donc à l’élevage du Clos du Vieux Pommier, en Normandie, où je rencontrais Madame Daubert, qui avait en charge les chiens de Monsieur Lecomte et, deux mois plus tard, Nitouche donnait naissance aux premiers chiots de mon élevage. C’était dans les années 60 mais je ne me souviens plus de l’année précise. De cette portée, j’ai gardé Ponce Pilate de la Montparrière.
Nitouche et Ponce Pilate
Justement, comment est né l’affixe de la Montparrière ?
Il est né tout simplement. Je cherchais un nom pour mon élevage et, tout naturellement, j’ai choisi le nom de la maison de mes grands-parents où j’avais passé une grande partie de mon enfance. En y réfléchissant, il me semble que c’est dans cet endroit, «la Montparrière», qu’est né mon amour des animaux en général et des chiens en particulier. Il était donc tout à fait logique de donner ce nom à mon élevage.
Natacha, Léopold, Oguste et Marie-Louise de la Montparrière
Renaud et Oguste de la Montparrière
Vous avez produit de nombreux chiens. Beaucoup sont devenus champions. Quels sont ceux qui ont particulièrement marqué votre vie ?
C’est une question très difficile car tous les chiens qui partagent notre vie tiennent une place privilégiée mais chaque sujet est une aventure différente. J’ai aimé tous mes chiens intensément et bien évidemment tous mes Bouledogues. Si l’on parle de la Montparrière, je crois que ceux qui m’ont particulièrement marqué et qui sont encore très présents sont tout d’abord Marie-Louise de la Montparrière car elle était vraiment très belle et j’étais très fier d’elle. De plus, j’ai été très proche d’elle et je me souviens de son caractère encore aujourd’hui. Il y en aurait encore beaucoup que je pourrais citer mais peut-être aussi que je pourrais vous parler d’Oguste. C’était le premier caille que j’ai gardé. Pour moi, il était très différent des chiens que j’avais eu auparavant ne serait-ce que par sa couleur évidemment.
Vous avez cessé d’élever il y a déjà quelques années. Selon vous, que reste-t-il des chiens de la Montparrière ?
Ah c’est une excellente question ! Tout d’abord, les chiens en eux-même. Je crois avoir produit de bons et beaux chiens et les éleveurs qui sont venus après moi ne s’y sont pas trompés. Je pense même avoir bien aidé à la formation de quelques uns. Je suis content et un peu fier d’avoir participé, alors que j’avais assez peu de Bouledogues, à l’amélioration de la race. C’est toujours, lorsque qu’on est éleveur et passionné, notre ambition, mais aussi à la promotion. C’est lorsque le publique voit de beaux chiens qu’il a envie de s’intéresser à une race. Je pense qu’aujourd’hui, les chiens de la Montparrière figure dans nombre de pedigrees, je pense que cet état de fait répond en partie à votre question.
Aujourd’hui, vous n’avez plus de Bouledogues mais des Azawakhs. Ils vous manquent ?
Comme je vous le disais au début de cette conversation, ce qui m’a attiré chez le Bouledogue, c’est sa personnalité. Alors oui, ça me manque mais parfois, la vie nous emmène vers d’autres choix, d’autres compagnies.
Quelques Bouledogues de la Montparrière :
Gigolo de la Montparrière
Gueule d'Amour de la Montparrière
Hermine d'Hiver de la Montparrière
Laetitia de la Montparrière
Charles et Paulette de la Montparrière
Vendredi de la Montparrière
Charles en exposition
Le livre de Patrice Le Du
Aujourd'hui, il existe de nombreux livres sur le Cavalier King Charles mais, en 1994, lorsque j'ai eu ma première chienne Jessie de l'Effronté, seul celui de Patrice Le Du qui avait élevé, avec son compagnon Jacky Chiorino, cette si belle race sous l'affixe "de Norlys" était le seul en circulation. Je suis retombé sur mon exemplaire hier. Certes, il part un peu en morceaux mais j'ai été très content de le feuilleter. Il m'a rappelé le temps où le Cavalier était une race rare, le temps où nous étions deux ou trois seulement dans les CACS, le temps où il était difficile de trouver un chiot (comme en King encore aujourd'hui). Je ne suis pas tellement nostalgique en règle générale pourtant, lorsque j'ai eu ce livre, j'avais vingt ans et je traquais dans les revues canines la moindre photos de nos petits Épagneuls Nains Anglais. En bref, ça m'a fait plaisir.